Je vais déjà me débarrasser de la plus lourde, de la plus pesante, de celle qui pèse le plus sur l'humanité et sur la nature : l'envie du toujours plus et de ce qu'on voudrait avoir, de ce qu'on voudrait être et de ce qu'on voudrait faire. Cette envie qui se décline en "envieux". Et dans "envieux", il y a ... "vieux" car l'envie nous rend vieux plus vite.
Cette envie qui est attachée à la société de consommation qui crée des besoins perpétuellement. Pub, médias, réseaux sociaux, bouche à oreille font monter l'envie d'acquérir le produit que les autres ont et que nous n'avons pas.
Celle qui est attachée à une tranche de la population dont l'objectif est d'amasser de plus en plus d'argent et de biens, quel qu'en soit le prix, pour les autres, pour la nature et pour leur propre nature profonde.
Celle de la culture de l'excellence où il faut encore gagner un cran de plus chaque fois qu'un cran a été obtenu, chaque fois plus difficilement. Ce qui fait qu'on finit par atteindre un stade où le jeu n'en vaut plus la chandelle, voire même, on s'épuise dans un mode contre-productif.
Cette envie qui est au centre du processus d'adaptation hédonique que j'ai décrit dans l'article Impacts de l’adaptation hédonique sur le bonheur et la QVT sur laqvt.fr. Un processus qui fait que, dès que l'envie a pu être réalisée, très rapidement le bénéfice en terme de bien-être et de satisfaction disparaît pour faire place à d'autres envies.
Cette conception de l'envie à laquelle Voltaire a répondu dans son conte moral "La bégueule" par cette expression qui reste tellement vraie et tellement d'actualité : "Le mieux est l'ennemi du bien".
A cette forme d'envie, on peut faire une contre-proposition avec l'idée suivante sur le bonheur : Le bonheur, c'est de continuer à désirer et à apprécier ce que l'on a, ce que l'on est et ce que l'on fait
Passons maintenant à la deuxième acception d'enVIE à laquelle je m'intéresse : celle qui a trait à l'énergie qui nous meut pour nous accomplir en nous connectant à notre nature profonde, aux autres et à la nature. Une enVIE qui fait que les yeux pétillent, qui nous met en joie, qui crée une intention qui va se transformer en action.
Une enVIE qui peut se cristalliser avec d'autres pour co-construire un futur émergent. C'est bien une des idées qu'Otto Scharmer met en avant dans la Théorie U.
Une enVIE qui se décline en plusieurs types de mouvement : sortir des habitudes en activant sa curiosité, s'ouvrir au monde et se confronter à d'autres réalités que la nôtre, le mouvement de l'empathie pour comprendre ce que les autres ressentent face à leur réalité, l'enVIE de se donner du temps pour lâcher prise et laisser venir le futur émergent, l'enVIE de faire ces mouvements à plusieurs, de cristalliser les énergies pour co construire ce futur par étapes. Une enVIE de commencer à le concrétiser très vite pour le toucher, l'explorer, le modeler, l'ajuster.
Je retrouve cette acception de l'enVIE dans le livre "Fish" de Stephen C. Lundin, John Christensen, Harry Paul.
Ce livre promeut 4 actions :
- Choisir son attitude
- Jouer
- Illuminer leur journée
- Être présent
"Choisir son attitude" invite à aborder sa journée de travail de manière positive et appréciative. Bref, de l'aborder avec enVIE, de vouloir la croquer à pleines dents (à ne pas confondre avec vouloir croquer les autres à pleines dents).
"Jouer", vise évidemment à créer plus d'enVIE à vivre le quotidien du travail. Intégrer du ludique est facteur de bien-être pour soi, pour les collègues avec qui on joue. On peut jouer avec les collègues, mais aussi aussi avec les clients. Et c'est ce à quoi invite, entre autres, la 4ème action :"Illuminer la journée des clients". Ce qui leur fera garder un bon souvenir de l'interaction et d'ancrer une enVIE d'une prochaine interaction.
La 4ème action "Être présent" comporte elle-aussi une dimension d'enVIE : elle renvoie à la notion de flux de Mihály Csíkszentmihályi. La présence à une tâche que l'on maîtrise, qui comporte un certain niveau de complexité, nécessitant toute notre attention, toute notre enVIE, toute notre énergie pour qu'elle soit menée à bien.
L'enVIE, c'est aussi celle de rechercher des modes gagnant-gagnant en tout. Ca n'est pas facile, et c'est bien l'enVIE qui nous fait ne pas aller à la facilité, au plus rapide : son propre intérêt, sans considérer la réalité aussi largement que possible et les interdépendances
Pour en revenir à la Théorie U, je nous invite, en commençant par moi-même, à nous délester de tout ce qui est lourd, qui nous éloigne de notre nature profonde, de toutes ces pseudo-occupations qui nous mobilisent du temps et pas notre énergie de vie, afin de nous libérer du temps pour faire naître des enVIEs d'occupations plus nourrissantes, et ce, sur chacune de nos sphères de vie.
Je proposerai prochainement quelques outils pour un tel travail d'introspection, qui peut se faire aussi au niveau collectif.
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