Je vous présente trois outils évoqués dans des livres de spécialistes de la psychologie positive.
Commençons par Rébecca Shankland, psychologue française, auteure du passionnant Les pouvoirs de la Gratitude qui, à la fin de son ouvrage, consacre quelques pages à des méthodes pour "s'en tenir à son plan" dont une dédiée à l'utilisation de la mémoire prospective ou mémorisation prospective.
La mémorisation prospective
Le mémoire prospective est "la capacité que nous avons à prévoir à l'avance une action à effectuer dans le but de ne pas oublier de nous rappeler de le faire au moment choisi".Rébecca Shankland propose 2 prérequis pour assurer une bonne pratique ou la réalisation d'une bonne résolution :
- être suffisamment motivé; ce qui renvoie aux bénéfices attendus pour soi-même et éventuellement aussi pour d'autres; j'ajoute qu'il est important que la motivation comporte bien une dimension personnelle car si la motivation n'est que tournée vers autrui, il y a un risque d'une mise en tension par autrui ou par soi-même ("après tout, pourquoi ferais-je cela pour lui faire plaisir, alors que ça ne me rapporte rien, et en plus ça me coûte beaucoup ?")
- adhérer suffisamment à la méthode utilisée pour aller dans le sens recherché; par exemple, si je suis fumeur et que je veux arrêter de fumer, certaines méthodes me parleront plus que d'autres.
Sur le sujet de la gratitude objet du livre de RS, on peut se sentir plus ou moins à l'aise avec chacune des pratiques proposées (journal de gratitude, lettre de gratitude, visite de gratitude, ...). Bien entendu, autant choisir la méthode qui nous semble la plus accessible et la plus plaisante
En quoi consiste la méthode de mémorisation prospective proposée par RS ? C'est une méthode en 4 questionnements successifs dont je reprend les grandes lignes en ajoutant mon grain de sel :
1/ L'INTENTION : Quelle est la pratique que je veux mettre en place ?
Il s'agit à la fois de formaliser l'intention et d'identifier la pratique qui me semblera la plus à ma portée et / ou la plus agréable. Mettre en place une bonne pratique nous fait souvent sortir de nos habitudes voire "sortir de notre zone de confort" (formulation très à la mode). Alors, tant qu'à faire, autant choisir la pratique qui apportera le plus de plaisir.
2/ LE MOMENT : Quand ou à quelle occasion je veux réaliser la pratique ?
Il y a deux cas de figures à prendre en compte :
- le premier est relatif aux bonnes pratiques que je veux réaliser périodiquement; par exemple : aller à la piscine tous les samedis matin, faire des exercices de musculation du dos tous les matin au lever, écrire dans mon journal de gratitude tous les dimanches soir, ...
- le deuxième est relatif à des pratiquse à réaliser lors de situations déterminées; par exemple : ne pas m'énerver quand ma fille n'a pas pris sa douche à 7h30 le matin, dire merci à mon collègue chaque fois qu'il me rend un service, ne pas changer de files d'attente toutes les 2 minutes quand je suis devant les caisses au supermarché, ...
Pour le premier cas, plus on est précis, plus on se donne de chance de réaliser la pratique. Par exemple, il est plus efficace que je décide d'aller à la piscine tous les samedi matin à 10h00 que de me dire que j'irai à la piscine tous les weekends, sans plus de précision.
Pour me donner plus de chance, la mémorisation prospective m'invite à m'imaginer en train de réaliser la pratique au moment choisi ou à l'occasion de la situation déterminée.
3/ LE RAPPEL : Comment me rappeler plus facilement que je vais réaliser la pratique ?
Rébecca Shankland fait référence à deux types d'indice qui peuvent aider à se rappeler d'activer la pratique :
- les indices spatiaux : c'est quelque chose dans mon environnement qui va me rappeler d'entrer en action; par exemple, pour la piscine le samedi matin, la veille au soir, je peux mettre mon maillot de bain en évidence pour le lendemain matin; si je décide de m'hydrater régulièrement toute la journée, je peux poser une bouteille d'eau sur mon bureau.
- les indices événementiels : il s'agit de me définir des stratégies prédéfinies en fonction des caractéristiques de la situation; par exemple, si j'ai décidé de ne plus m'énerver face aux multiples sollicitations non désirées au téléphone, je peux me définir des réactions/phrases que je délivrerai sans y mettre de l'affect, en restant poli et en décourageant les interlocuteurs non désirés de se remanifester (je peux coupler avec un indice spatial, par exemple un émoticon joyeux collé sur la base de mon téléphone).
4/ LES BENEFICES : Quels sont les bénéfices attendus ?
Comme je l'ai évoqué dans les prérequis, il faut que j'y trouve des bénéfices pour moi et pas seulement pour autrui.
Si je me trouve dans le cas particulier de vouloir substituer une mauvaise habitude par une bonne habitude (par exemple en matière d'hygiène de vie), il s'agit de considérer ce que je vais y gagner sans forcément me mentir à moi-même (le mensonge serait "j'ai tout à gagner et rien à perdre"). Je vais y gagner sur un plan et peut-être y perdre sur un autre plan.
En réalité, et en restant sur le plan rationnel, je m'aperçois que je m'accroche à une mauvaise habitude non pas parce qu'elle me fait particulièrement plaisir, mais tout simplement parce que l'habitude est bien ancrée et qu'en sortir me semble au-delà de ma portée, même si je veux bien convenir qu'un autre comportement serait plus profitable et potentiellement gagnant-gagnant.
Plus je serai en mesure de prendre conscience des bénéfices, de les imaginer, de les visualiser plus je me sentirai motivé à changer.
Et dès que je vais commencer à réaliser la bonne pratique ou la bonne résolution, il sera très important que je prenne conscience au fur et à mesure des bénéfices concrétisés pour renforcer ma motivation.
Les bénéfices vus à travers la théorie du hamburger
Sur le sujet des bénéfices, une façon de mettre en évidence les bénéfices est de s'inspirer d'une théorie proposée par un autre spécialiste de la psychologie positive : Tal Ben Shahar. Dans son livre L'apprentissage du bonheur, il s'intéresse aux bonnes pratiques en faisant notamment référence à Aristote : "Nous sommes ce que nous faisons de manière répétée".
Et pour bien comprendre les enjeux des habitudes et des bénéfices qu'on peut attendre à mettre en place des bonnes pratiques, il évoque la "Théorie du hamburger".
Avec la théorie du hamburger, TBS met en évidence deux types de bénéfices : les bénéfices à court terme (le plaisir immédiat) et les bénéfices à moyen et long terme (en particulier, ce qui fait du bien à notre santé, à la santé d'autrui et à la préservation de la planète). Il promeut à travers cette théorie les pratiques et les stratégies de vie, créatrices de bonheur, conjuguant le plaisir immédiat ET la préservation du futur.
Quatre cas de figure ressortent de son modèle :
- le comportement "bienheureux" : une personne qui allie plaisir du moment et préservation du futur (bénéfice présent et futur); imaginez un burger qui soit bon au goût et bon pour votre santé
- le comportement "viveur" ou "hédoniste" : une personne qui se désintéresse des impacts négatifs sur le futur et se focalise sur son plaisir immédiat (en constatant que la société de consommation a tendance à privilégier ce type de comportement); imaginez un burger qui soit bon au goût mais qui à force d'en manger met en danger votre santé
- le comportement "défaitiste" ou "nihiliste" : une personne qui ne cherche ni le plaisir, ni à préserver son avenir; imaginez un burger écœurant et mauvais pour la santé
- et le comportement "fonceur" ou "arriviste" : une personne focalisée sur le bénéfice à venir et incapable de prendre du plaisir dans l'immédiat, imaginez un burger sain mais qui serait fade
La règle des 20 secondes
Pour revenir aux outils qui donnent plus de chances aux bonnes résolutions, je fais appel à Shawn Achor qui a été élève de Tal Ben Shahar. Shawn Achor évoque dans son livre Comment devenir un optimiste contagieux une règle qu'il a intitulée "La règle des 20 secondes".En quoi consiste-t-elle ? Avant de la décrire, je reprends en quelques mots l'anecdote personnelle qu'il cite dans son livre : à une période de sa vie, il a pris le décision de se remettre à un instrument de musique qu'il avait délaissé depuis quelques années : la guitare. En parallèle, il avait pris conscience qu'il donnait un trop grande place à sa télévision. Se reposant sur une sagesse populaire selon laquelle il faut 21 jours pour inscrire une habitude dans son quotidien, c'est donc le temps qu'il se donne un bon matin pour une bonne résolution : se remettre à la guitare. Seulement, 21 jours plus tard, il fait le constat affligé que sa bonne résolution a duré exactement 4 jours. En tant que professionnel de la profession, il s'est trouvé vexé, chamboulé, déprimé d'être mis KO au bout de 4 rounds. Il décide alors de s'intéresser à ce qui avait pu casser son bel élan.
Est né de ce travail d'analyse la règle des 20 secondes qui met en évidence que nous avons besoin d'une énergie d'activation de l'action. C'est un peu comme pour le vélo : en terrain plat, le plus dur, ce sont les premiers coups de pédale.
L'idée principale de cette règle est de faire tout ce qui nous paraîtra le plus astucieux pour nous faciliter la réalisation de l'action. Si on n'est pas capable de passer à l'action en moins de 20 secondes, il est probable qu'on ne le fera pas. Par exemple, pour sa pratique de la guitare, SA s'est aperçu qu'il avait bloqué simplement parce que sa guitare se trouvait dans sa chambre alors que son lieu de vie était son salon. Il a donc installé un support de guitare dans son salon, mettant ainsi sa guitare à portée de main. Il a ainsi construit une forme de chemin de moindre résistance à sa guitare.
Inversement, sa télévision étant trop facilement activable, il a placé la télécommande de la télévision à l'endroit le plus éloigné de son salon.
En éliminant au maximum les obstacles à la pratique de la guitare et en ajoutant des obstacles à sa mauvaise habitude de regarder la télévision pendant des heures, il a réussi ainsi à se remettre à la guitare et à changer sa vie quotidienne en se désintoxiquant de la télévision qui lui prenait 3 heures par jour.
En conclusion, je veux citer ce même Shawn Achor qui résume de manière très pertinente en très peu de mots, l'enjeu des bonnes résolutions et du chemin qui mène de l'intention à l'action : "Le sens commun n'est pas l'action commune". On peut être nombreux à penser et à affirmer que tel ou tel comportement est bon et vertueux, MAIS ce n'est pas pour autant facile de le pratiquer dans la réalité.
Les outils et conseils proposés précédemment visent à nous faciliter l'activation et le maintien d'une bonne pratique dans le temps. L'enjeu étant bien d'atteindre le moment où la bonne pratique devient une habitude et peut alors se maintenir sans effort.
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