Dans un de mes derniers articles de la saison 2018-2019 sur laqvt.fr "
Zone de confort et QVT", j’ai évoqué cette ritournelle des temps modernes qui nous invite avec insistance et en beaucoup d'occasions à sortir de notre zone de confort. J’y développe l’idée qu’en réalité, l’aspiration de beaucoup serait plutôt de (re)trouver des zones de confort dans leurs différentes sphères de vie, et notamment dans la sphère professionnelle.
Ma vision très récente du documentaire "
L’autre connexion" de Cécile Faulhaber m’amène à aborder le sujet de la zone de confort par un autre bout. J’en profite pour remercier mon ami Christian Bruneteau qui m’a orienté vers ce documentaire que je conseille vivement à vous lectrices et lecteurs de mon blog. Je vous souhaite qu'il puisse vous émouvoir et vous nourrir autant que pour moi. Il traite de la connexion à la nature, sujet que j’ai déjà évoqué quand
j’ai rapporté sur ce blog quelques idées développées dans la théorie U. Une connexion à la nature présente également dans la modélisation sur la bienveillance sur laquelle je travaille et que je présenterai probablement d’ici peu ici et sur laqvt.fr
Jean-Claude Catry, cofondateur et codirecteur de l’école Wolf en Colombie britannique interrogé par la réalisatrice sur les enjeux et le cheminement de la connexion à la nature évoque un côté ambivalent de la nature :
c’est toujours la même chose et en même temps, c’est toujours différent :
- c’est la même chose car il y a des cycles, des invariants, des choses constantes. Cette constance étant rassurante. Je précise que la chose constante n’est pas forcément agréable. Et même si elle ne l’est pas et apporte de l’inconfort, il y a souvent une dimension rassurante malgré l’inconfort.
- c’est différent, c’est changeant. Ou, il y a des choses qui nous poussent à changer, ce qui fait appel à nos capacités d’adaptation.
La fameuse idée “sortir de sa zone de confort” nous invite souvent à nous adapter à une situation changeante, sachant que la fréquence des évolutions dans nos différentes sphères de vie s’accélère très nettement depuis quelques années. Et plus il y a accélération, plus est difficile l'adaptation et plus nos zones de confort rétrécissent.
Face à ce qui nous invite de manière plus ou moins pressante au changement, je vous propose de considérer 3 types de réactions :
- la non-réaction consécutive à la non prise de conscience des invitations au changement; par manque de temps, d'attention
- diverses formes de réaction consécutives à un sentiment de peur par rapport au changement
- des réactions consécutives à un état d’esprit de curiosité, d’excitation et de défi stimulant
sachant que face à une invitation au changement, on peut se retrouver avec une combinaison de curiosité et de peur, voire la succession de curiosité puis de peur, ou vice versa.
L’école Wolf cultive une capacité qui me semble centrale et déterminante pour le bonheur individuel et la bien-portance de nos communautés, collectifs et pour la nature :
la curiosité. Une telle culture de la curiosité peut nous faire repousser loin les frontières de nos zones de confort : sans curiosité, le risque est que nos zones de confort soient délimitées par ce qui reste constant dans nos vies, sachant que la constance tend à se rétrécir sur beaucoup de dimensions. Par contre, avec une culture de la curiosité, le changement peut alors être envisagé tout ou partie dans le cadre de nos zones de confort. Et auquel cas, nul besoin que l’on nous invite à sortir de nos zones de confort : nous faisons appel à notre curiosité, à nos capacités à l’observation, à la conscience, à l’analyse, à la déduction, à la réflexion interpersonnelle et collective, … Evidemment, il n’est pas sûr qu’à un moment ou à un autre, on ne finisse pas par sortir de sa zone de confort.
Je vous propose un schéma sur l'enjeu de la curiosité que j'ai qualifiée d'
exploratrice par rapport à la zone de confort :
Avec les 3 cercles de (bleu, orange, rouge), j'ai représenté la zone de confort (centrale, en bleu) comportant deux couches de cuirasse : celle de l'indifférence (en orange) puis celle des peurs (en rouge).
L'indifférence et les peurs constituant des obstacles pour explorer ce qui n'est pas dans notre zone de confort.
La curiosité exploratrice a
3 effets conjugués :
- élargir la zone de confort - notamment à ce qui est changeant -,
- réduire la cuirasse de l'indifférence,
- et réduire la cuirasse des peurs.
Un déficit de capacité à la curiosité se traduit souvent par la peur, à la pusillanimité, à la défensive. Et donc à construire la cuirasse de la peur. L'égoïsme, la manque de temps, le déficit d'attention font la cuirasse de l'indifférence.
La curiosité va de pair avec l’attention et la bienveillance. Sous condition qu’elle soit saine : pas celle qui va à la recherche du croustillant ou qui se limiterait à tout ce qui conforterait sa vision de la vie, sur les gens, les choses, les phénomènes. J’apporte cette précision car les termes “curieux” et “curiosité” sont souvent connotés négativement et considérés alors comme des défauts. D'où le qualificatif "exploratrice" que j'ai adjoint au terme "curiosité" exprimant un aspect fondamental : la curiosité met en mouvement, invite à un questionnement, à chercher des réponses, et possiblement des modèles inspirant pour notre développement personnel.
Le curiosité exploratrice est donc un support central d'un cheminement de (re)connexion. Je l'ai schématisé de la façon suivante :
Une cheminement qui nous conduit à être
plus connecté à nos aspirations personnelles les plus profondes, à autrui, aux communautés et collectifs auxquels on appartient (couple, famille, amis, voisinage, collectif de travail, association, commune, ...)
et à la nature. Cette quadruple connexion est l'enjeu central de la modélisation sur la bienveillance sur laquelle je travaille. Ces 4 dimensions constituent 4 points cardinaux de la bienveillance. Dans l'école Wolf, ce cheminement de connexion fait
première et originelle la connexion à la nature. La curiosité évoquée dans le film s'entend dans la proximité : il ne s'agit pas d'observer la nature à travers une longue-vue ou dans son fauteuil devant sa tablette ou sa télé sur laquelle sont projetées des images. C'est une curiosité immergée dans l'environnement selon l'idée "On apprend de ce que l'on vit" que j'ai entendu il y a quelques années dans la bouche de Claire Héber-Suffrin,cofondatrice des
réseaux d'échanges réciproques de savoirs (RERS). Deux conditions me semblent absolument indispensables :
- l'humilité qui nous met dans la position d'élève permanent qui peut apprendre tous les jours; une humilité qui nous amène plus facilement à prendre conscience de l'interdépendance, d'apprécier les dons de la nature et des êtres humaines, d'en ressentir de la gratitude et de l'exprimer; l'humilité est renforcée par la confrontation d'une nature non contrôlable (cette confrontation étant le point de départ du cheminement selon Jean-Claude Catry). Une humilité salutaire qui doit nous déshabituer à tout vouloir contrôler et/ou instrumentaliser.
- la détermination, la patience, le courage, l'effort pour faire face aux inévitables sentiments de peur, de doute, de remise en question tout au long du cheminement de connexion. La détermination qui est épaulée par l'enthousiasme compère de la curiosité. un enthousiasme qui peut être amplifié, démultiplié quand il est partagé avec autrui dans une relation interpersonnelle et collectivement au sein de la communauté; Jean-Claude Catry insiste bien sur l'importance de la dimension communautaire pour donner plus d'efficacité au cheminement de connexion.
L'idée de cheminement intègre le fait que
chacun de nous est connecté pour partie et déconnecté pour partie. C'est forcément ambivalent, sauf pour certaines personnes qui seraient soient complètement déconnectées de tout ou complètement connectées à tout. Je n'en connais pas personnellement. La conscience de cette ambivalence et du côté "déconnecté" en chacun de nous participe aussi à l'humilité que je viens d'évoquer. On est donc loin d'un enjeu qui nous ferait passer le temps d'un we de séminaire dans la nature de l'état "déconnecté" à l'état "connecté". Il s'agit donc d'un cheminement qui nous transforme progressivement en plus connecté et moins déconnecté (j'ai utilisé l'image de vases communicants dans mon 2ème schéma).
Alors,
cultivons la curiosité exploratrice tous azimuts : à la nature et toute la diversité de la flore et de la faune qui nous entoure, au fonctionnement de notre anatomie, aux autres, à leurs idées, à leurs savoirs, à leur savoir-faire, à leurs talents y compris pour des choses qui peuvent sembler très ordinaires. Puisque professionnellement la Qualité de Vie au Travail est mon terrain de jeu, j’ajoute d’autres sujets de curiosité : les conditions de travail de nos collègues, celles des personnes qui contribuent à ce que nous consommons, les savoir-faire professionnels, l’expérience des séniors, les nouvelles façons d’aborder nos métiers que les jeunes actifs apportent, les bonnes pratiques gagnant-gagnant, les fonctions qui sont habituellement dévalorisées, ...