Je vous propose un Slam sur la bienveillance qui m'a été inspiré par la lecture du livre de Pablo Servigne, Gauthier Chapelle et Raphaël Stevens Une autre fin du monde est possible. Livre que je vous conseille vivement. Il m'a inspiré tout autant que celui écrit précédemment par les deux premiers L'entraide, l'autre loi de la jungle
Ce travail sur ce Slam est parti d'un titre de livre référencé par les trois auteurs : "Comment la terre s'est tue" de David Abram.
Voici le texte suivi de quelques compléments.
A force que tu la tues, la nature s'est tue
A force que tu la tues, ta nature s'est tue
A force que tu le tues, notre monde s'est tu
Il suffit de suivre un tant soit peu l'actu
Y a de quoi finir la journée abattu
Certains disent qu'on peut plus rien faire, c'est foutu
Mais pour beaucoup, en fait, on s'y habitue
Ou pour d'autres qui à un espoir passif façon pensée magique s'évertuent (1)
A force que tu la tues, ...
Nos écosystèmes sont menacés disent certains instituts
Mais il s'en trouve toujours d'autres pour dire que ça devrait être débattu
A se demander pour qui ces derniers se prostituent
Face à des évidences, toujours les mêmes arguments rabattus et tant de fois combattus
Et combien de choses qui sont simplement ou malignement tues.
A force que tu la tues, ...
Pourtant y a des signes, faut arrêter d'être obtus, faut arrêter d'être têtu
Une tendance nette qui chaque année s'accentue
Ça ne débarque pas de manière impromptue
Il suffit de s'y intéresser, y a suffisamment d'infos pas ultrapointues (2)
Il faut vraiment que les cartes soient rebattues
A force que tu la tues, ...
A la malveillance et l'indifférence y a pourtant un substitut,
C'est la Bienveillance qu'il faut qu'on institue
Y a aussi des valeurs artificielles qu'il faut qu'on destitue (3)
La Bienveillance, c'est pas seulement une vague vertu, (4)
C'est la pierre angulaire d'une société plus respectueuse qu'il faut qu'on constitue
A force que tu la tues, ...
Pour commencer, il va falloir que sur l'échelle de la bienveillance tu te situes (5)
Sans forcément que d'un statut tu sois vêtu (6)
Puis que de petits actes bienveillants ta journée tu ponctues
Pas besoin d'être le lièvre, tu en seras fort bien la tortue (7)
Pas besoin non plus d'en être la statue (8)
A force de Bienveillance, vois-tu, la nature se reconstitue (9)
A force de Bienveillance, vois-tu, ta nature se resitue
A force de Bienveillance, vois-tu, un nouveau monde se perpétue
Voici des précisions ou commentaires que j'apportent sur quelques éléments de texte :
- Je promeus régulièrement l'idée de l'espoir. Seulement, il ne s'agit pas d'un espoir passif qui met l'individu en situation d'attente que les situations à problème se règlent d'elles-mêmes ou par une intervention externe. Il s'agit plutôt d'un espoir mobilisateur d'énergie : la sienne, possiblement en coopération avec d'autres parce qu'on peut être plus fort et plus efficace à plusieurs. C'est notamment le cas face aux enjeux de préservation de la nature et de la culture de communautés et collectifs plus bienveillants
- Pour réveiller l'individu face aux enjeux cruciaux environnementaux, il me semble qu'il nous faut disposer d'éléments factuels les plus accessibles et simples à comprendre, quitte à ce qu'ils soient simplifiés quand ils sont complexes. Et tant pis, si on perd un peu en justesse, le principal étant de faire jouer le principe de précaution ; sachant que pour le moment on est plutôt loin du compte.
- La vidéo montre deux éléments fortement corrélés : l'argent et le temps ; sans nul doute, la bienveillance envers soi, envers la nature, envers autrui et envers les collectifs et communautés auxquels on appartient nécessite un rapport différent à l'argent et au temps. Il nous faut nous donner du temps afin que nos comportements soient plus bienveillants car le manque de temps induit très souvent la facilité, les comportements malveillants et aussi surtout l'absence de bienveillance
- Mon sentiment (que je sais partagé par un certain nombre des personnes que je côtoie professionnellement et dans ma vie privée) est que la bienveillance est plutôt vide de substance. Depuis début 2019, j'ai entamé un travail de modélisation visant à (re)donner de la substance au concept de bienveillance
- La bienveillance est loin d'être une valeur binaire (bienveillance/malveillance) par rapport à laquelle on pourrait se positionner en cochant une des deux cases. Selon les moments, nos façons de penser, de nous exprimer, d'agir, dans nos choix ... nous sommes plus ou moins bienveillants, plus ou moins malveillants, peut-être dans l'absence de bienveillance, dans l'indifférence. Le panorama est souvent en réalité fort ambivalent. L'image qui est renvoyée par autrui sur notre propre bienveillance/malveillance peut être par ailleurs très contrastée. D'où l'intérêt de disposer de petits outils pour réaliser une introspection plus ou moins profonde pour faire le point. Je travaille actuellement à la création de tels outils.
- S'autoévaluer ne doit pas conduire à se trouver avec une étiquette dans le dos avec une note sur 10 en matière de bienveillance. Il s'agit pour qui le veut de s'interroger sur la nature bienveillante de ses comportements et de déterminer les situations sur lesquelles il voudrait mettre plus de bienveillance.
- Dans un monde où tout va vite, le piège serait de considérer que l'amélioration de la bienveillance individuellement et collectivement relèverait d'une opération coup de poing qui donnerait des résultats après-demain matin. Il faut l'humilité et la tranquillité d'une tortue pour avancer délibérément sur le chemin de la bienveillance, avec, à la différence de la fable, une ligne d'arrivée qui serait à l'horizon. L'importance étant plus d'être sur le chemin que d'être proche de l'arrivée.
- Il me semble que l'humilité doit être de mise en matière de bienveillance. Les dimensions et les axes de progrès sont tellement nombreux qu'il serait illusoire et mensonger de considérer qu'il y aurait des promoteurs de la bienveillance qui seraient des figures, des incarnations par excellence de la bienveillance. Je préfère l'idée d'acteurs et de promoteurs de la bienveillance qui sont sincères et qui se considèrent eux aussi sur le chemin de la bienveillance avec leurs propres failles et insuffisances.
- Je sais que certaines personnes m'ont mis des étiquettes : utopiste, "gentil" (au sens péjoratif du terme), représentant du monde des bisounours. Si je suis convaincu que plus de bienveillance pourra nous permettre de reconstituer certains écosystèmes (pour certains écosystèmes, ce sera long), en revanche je suis tout aussi convaincu qu'il est trop tard pour d'autres et que l'humanité a franchi des points de non retour. Pour le moins, et dans le pire des cas, créer plus de bienveillance et de coopération nous permettra de nous préparer à faire face de manière plus humaine (moins violente) aux inévitables situations de grande tension que nous rencontrerons dans les prochaines années dues au dérèglement du climat. C'est en cela que je rejoins les idées développées par les auteurs du livre cité en introduction