En cette toute fin d'année 2019, je reviens à l'idée initiale de la création de ce blog : évoquer le bonheur et la psychologie positive à travers des verbes.
Il en est un dont je m'aperçois que je ne l'ai pas abordé en tant que tel, même s'il est en filigrane de tous les articles de ce blog : CHANGER.
L'année 2020 se doit être une année charnière, d'autant plus que 2019 aurait dû l'être et qu'elle ne l'a pas été. Je reprends les propos du Secrétaire Général de l'ONU en septembre 2018 :
« Si nous ne changeons pas de cap d'ici 2020, nous risquons de passer à côté de l'essentiel qui fait que nous pouvons éviter un changement climatique galopant, avec des conséquences désastreuses pour les populations et tous les systèmes naturels qui nous font vivre. »
Une année de tous les dangers, et malheureusement cette expression ne fait pas dans la catastrophisme. Elle représente d'autant plus un tournant que les Etats n'ont pas pu se mettre d'accord pendant la COP 25 en novembre dernier sur des actions indispensables pour réduire notamment les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES).
On peut distinguer le "changer" et le "CHANGER". Le premier pouvant représenter le petit pas, le petit changement, le deuxième pouvant représenter le changement radical (ou "disruptif" terme à la mode). "changer" peut aussi représenter le changement au niveau individuel ou local et "CHANGER" le changement au niveau global, politique, des grosses industries.
Le 30 novembre dernier, j'ai publié un manifeste sur le site de pétition MesOpinions.com appelant les citoyennes et citoyens à prendre en compte au niveau local de l'urgence climatique, sociale et démocratique à l'occasion des élections municipales de mars 2020. A ce jour, un peu plus de 24 100 personnes ont signé ce manifeste et environ 580 d'entre-elles se sont exprimées via un commentaire.
Mon manifeste appelle à la fois à un "changer" et à un "CHANGER". La lecture des commentaires m'a montré qu'un certain nombre de signataires semble avoir retenu principalement dans mon manifeste la dimension de dénonciation, d'alerte au détriment de la dimension constructive et responsabilisante interpellant l'individu. Un piège qui apparaît bien souvent dans les réactions défensives face à l'emballement climatique (mais aussi face aux problèmes sociaux et démocratiques) : le grand méchant OU. C'est ainsi que nous l'appelons Christian Bruneteau et moi dans nos échanges réguliers depuis maintenant un an. Les deux grandes idées évoquées dans ces commentaires tombant dans le piège du grand méchant OU sont :
- Eux d'abord, et ensuite je suivrai ! Exemple : "A quoi ça sert qu'on réduise nos déchets plastique alors que le vrai sujet c'est celui de l'arrêt de la production d'emballages plastique. Revoyez déjà votre agenda sur le sujet - 2040, je rêve ! - et nous on verra après ce qu'on peut faire individuellement"
- Ce que je peux faire est une goutte d'eau dans l'océan. Exemple : "A quoi ça sert que je change ma voiture diesel contre une moins polluante alors qu'une des compagnies de croisière émet avec ses 94 bateaux dix fois plus d'oxyde de soufre que l'ensemble des 260 millions de voitures du parc automobiles européen"
Inciter au changement dans la perspective des élections municipales de mars 2020
Le mouvement des gilets jaunes et celui qui s'est constitué face au nouveau système de retraite montrent une énorme incapacité de notre société, des politiques, des dirigeants des entreprises et des individus à aborder les changements collectifs avec lucidité, concertation, motivation, conviction, responsabilité et bienveillance (dans un esprit gagnant-gagnant). Une énorme incapacité à peser équitablement, individuellement et collectivement, les intérêts individuels et collectifs. Une incapacité gigantesque à considérer le vivant autre qu'humain dans les intérêts collectifs. Les autres qu'humains étant considérés comme ressources, objets plutôt que acteurs et sujets. L'échec de la COP 25 est aussi dû à l'incapacité de dépasser les intérêts particuliers et de considérer les intérêts collectifs et globaux.
Ces incapacités, particulièrement flagrantes en France, qui se renforcent dans des cercles vicieux, font que ceux qui veulent conduire le changement tendent à l'imposer aux autres (en les infantilisant) et ceux à qui on l'impose réagissent en résistant ou en s'y pliant de mauvaise grâce en se considérant victimes directes ou collatérales.
En 2020, et à l'approche des élections municipales, il est largement temps que notre société change de système d'exploitation, de paradigme pour aborder les changements. Les politiques sont peu enclins à coconstruire avec les citoyennes et citoyens les mesures indispensables pour limiter les effets de l'emballement climatique (dont certains sont déjà bien présents y compris en France). Dans la mesure où le GIEC explique que 50% à 70% des leviers d'action sont en local, il est largement temps que les élu·es, potentiel·les élu·es et électrices et électeurs utilisent ce premier trimestre 2020 pour lancer une vraie dynamique de changement des comportements individuels et collectifs. En pensant local ET global, en agissant local ET en lien avec le global. Pour tourner le dos au grand Méchant OU exclusif et ouvrir largement la porte au ET inclusif. Cela nécessite beaucoup de bienveillance, d'indulgence, de tâtonnements, d'expérimentation, d'appréciation des petits pas effectués, d'encouragements, ...
Un changement qui permet de sortir de l'impuissance solitaire en s'engageant dans la puissance coopérative. L'individu a 3 leviers gigantesques qu'il sous-utilise, par l'addition et l'union des forces, et notamment selon le principe que les petits ruisseaux font les grandes rivières :
- la puissance par ses choix de consommation. Un groupe important de consommateurs peut peser sur l'évolution de l'offre en redirigeant la demande
- la puissance par son droit de vote. Un groupe suffisamment important de citoyen·es au niveau d'un territoire peut peser sur les programmes électoraux et le passage à une démocratie participative, contributive, directe, ... (nul besoin d'être une majorité de la population : une proportion de quelques pourcents peut suffire)
- la puissance par son talent unique dans son travail et l'affirmation de soi. Un groupe de salariés au sein d'une organisation peut faire bouger les lignes en matière de conditions de travail, d'objectifs, de qualité, de qualité de vie au travail (QVT), de rémunérations, ... La grève est un instrument de dernier recours, mais il y en a d'autres à explorer et à cultiver en amont en construisant un dialogue social et une démocratie au travail plus forts
Au niveau collectif, les petits peuvent aussi coopérer entre eux pour peser face aux gros qui leur dictent leur loi. Par exemple, les entreprises qui vendent via Amazon pourraient se regrouper pour faire contre-pouvoir aux clauses contractuelles définies de la manière unilatérale par le groupe.
Et un des changements les plus importants est de mettre plus de parité dans les relations, qu'elles soient humaines ou économiques : les relations saines doivent se coconstruire et s'ajuster ensemble et aucune des parties ne doit prendre le dessus et/ou exploiter l'autre.
Chaque partie dans une relation doit prendre soin :
- d'elle-même,
- de l'autre,
- de la relation elle-même,
- et des impacts de la relation sur d'autres parties, que ces autres parties soient humaines ou autres qu'humaines (le vivant au sens général et les ressources de la planète)
Je reviendrai sur le sujet du changement prochainement, notamment à travers une modélisation de la bienveillance à laquelle j'ai travaillé en 2019. Notre bonheur, celui de nos enfants, celui des générations futures et notre bienveillance vis-à-vis des autres qu'humains nécessitent que nous nous retroussions les manches sans plus attendre en regardant avec lucidité l'état du monde, au-delà de la partie visible de l'iceberg, et en faisant confiance en notre humanité et notre puissance coopérative plutôt que dans d'hypothétiques progrès scientifiques et décisions politiques qui nous dédouaneraient de notre responsabilité individuelle.
Je souhaite aux lectrices et lecteurs de ce blog mes vœux d'une vie paisible pour 2020 en abordant avec vitalité, tempérance, détermination et appréciation tous les changements dont certains me semblent inévitables à courte échéance. En m'inspirant de la célèbre réplique "Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi !", je conclus par "Si tu ne viens pas au changement, le changement viendra à toi !".