En cette période de confinement, j'ai une pensée pour celles et ceux qui n'ont personne pour les aimer (15), qui ne reçoivent pas de sourire (1), à qui l'on ne dit pas bonjour (2), qui sont dans des collectifs - notamment de travail - où ils·elles ne se sentent pas les bienvenu·es (3), dans un climat de défiance (4), sans attention portée à eux·elles (5), sans acte altruiste à leur bénéfice (6), sans personne voulant travailler ou jouer avec elles·eux (7), personne pour tenir compte de leur avis (8), personne pour apprécier ce qu'ils·elles font (9), personne pour les remercier (10) ou les féliciter (11), personne pour leur faire des retours constructifs (12), personne pour partager leurs publications sur les réseaux sociaux (13), sans signe qu'on peut être d'accord avec eux·elles (14) et personne qui ne rit quand ils·elles essayent d'être drôles (14).
Certaines personnes sont effectivement privées de tous signes de reconnaissance ou de beaucoup de ces gestes. Heureusement que pour beaucoup, s'il y a manque de reconnaissance ou non reconnaissance, elle ne concerne pas tous les gestes de reconnaissance ni l'ensemble des écosystèmes d'appartenance (famille, travail, amis, quartier, association, ...).
D'autres ne sont pas en capacité de voir les signes de reconnaissance qui leur sont envoyés et ont l'impression d'être sous-reconnus. Et c'est important de prendre conscience que la reconnaissance revêt une dimension objective et une dimension subjective. On peut aussi voir la reconnaissance comme un signal envoyé par un émetteur et reçu par un récepteur. Il peut y avoir une distorsion ou une perte de signal : la reconnaissance n'est pas forcément reçue au niveau où elle a été émise. Maintenant, ce n'est pas parce qu'elle n'est pas accueillie à sa juste mesure qu'elle n'a pas produit un effet positif (éventuellement inconscient).
Il en est de même pour la bienveillance :
D'autres encore vont focaliser sur les signes de reconnaissance qui leur manquent et occulter la reconnaissance dont ils·elles bénéficient. Les feedbacks ont été analysés par un économiste italien ; c'est le concept de ligne de Losada (nom de cet économiste) qui met en évidence que les feedbacks négatifs pèsent 3 fois plus que les feedbacks positifs. Il faut donc délivrer dans une équipe de travail au moins 3 fois plus de feedbacks positifs que de feedbacks négatifs (et vous serez probablement d'accord avec moi qu'il y a du boulot en la matière dans le monde du travail d'aujourd'hui). Dans le même ordre d'idée, on sait que l'être humain est plus marqué par des perspectives de perte que de gain (une perspective de perte de 100€ pèse autant qu'un gain de 200€). Donc un signe de non reconnaissance ou le manque de reconnaissance peuvent marquer significativement notre moral alors que par ailleurs la vie nous offre de belles choses.
Et c'est bien une conscience juste, une forme de lucidité, une capacité à l'appréciation et à la gratitude, et la régulation des émotions et de l'humeur qui permettent d'avoir un panorama plus juste de la reconnaissance qui nous est donnée. Cela nous permet aussi de relativiser.
Evaluation de la reconnaissance
Il y a aussi besoin de sortir d'une vision noir ou blanc qui ferait que notre situation de reconnaissance serait merveilleuse ou nulle. On pourrait se dire que la reconnaissance se mesure sur 10 et que chacun pourrait évaluer son niveau de reconnaissance entre 0 et 10.Mes deux schémas sur les gestes du quotidien - 15 gestes de reconnaissance (cf image ci-dessous) et 15 gestes antithèses(cf image en début d'article) - permettent déjà de discriminer en fonction des types de gestes. Par exemple : on me dit facilement bonjour, on me fait confiance, mais personne ne vient m'aider quand je suis en surcharge.
Par ailleurs, il est possible d'évaluer les 15 gestes dans chacune des sphères de vie. Dans certaines sphères les gestes de reconnaissance seront plus nombreux et/ou plus significatifs que dans d'autres.
Reconnaissance attendue, reçue - Reconnaissance donnée
Comme vous le constatez, je m'exprime dans cette publication sous l'angle de la reconnaissance que l'on reçoit (qui nous est donnée). L'évaluation mérite aussi d'être réalisée sous l'angle de la reconnaissance que l'on donne (en se posant la question de la façon dont elle est reçue). Concernant l'évaluation de la reconnaissance l'on pourrait donner et que l'on ne donne pas, il est intéressant de se demander quels sont les freins : manque de temps ? manque d'attention ? manque d'entrain ? logique comptable (je ne veux pas en donner parce qu'on ne m'en donne pas) ? ...Une évaluation posée et sans complaisance sur soi-même de la reconnaissance qu'on donne permet souvent de relativiser ses propres frustrations de reconnaissance. Quand on prendre conscience qu'on a des marges de progrès plus ou moins importantes de distribution de sa reconnaissance à autrui, on devient probablement plus indulgent par rapport aux marges de progrès des autres vis-à-vis de soi-même. Autrement dit, mes frustrations de manque de reconnaissance sont peut-être à la hauteur de la frustration que je te crée en ne me donnant pas le temps de te donner plus de reconnaissance.
Il est important de remarquer que la reconnaissance que l'on attend dépend peu de nous (malgré nos gesticulations quelques fois maladroites) alors que bien évidemment la reconnaissance que l'on donne est très souvent à notre portée.
Et donc plutôt que de focaliser chacun sur notre manque de reconnaissance, consacrons-nous à la reconnaissance que l'on donne. Si cette dynamique est généralisée : toute reconnaissance donnée a le potentiel de devenir de la reconnaissance reçue. Dans une telle dynamique généralisée, tout individu est potentiellement à la fois distributeur de reconnaissance et receveur de reconnaissance.
Le deuxième avantage très substantiel d'une telle culture étant, qu'à de rares exceptions près, les gestes de reconnaissance donnés procurent du bien-être pour son auteur. Autrement dit, quand tu distribues un geste de reconnaissance, tu te fais déjà du bien à toi-même. Il s'agit donc d'une logique gagnant-gagnant et d'un cercle vertueux (ou spirale ascendante) :
- gagnant pour le distributeur de reconnaissance
- gagnant pour le receveur de reconnaissance
- gagnant pour l'écosystème dont le climat va s'en ressentir et dans lequel les interactions seront stimulées et valorisées
- gagnant pour les écosystèmes voisins par effet de contagion
Chaque gagnant se trouvant motivé à délivrer de plus en plus de gestes de reconnaissance et à apprécier de plus en plus ceux qu'il reçoit.
Reconnaissance et lien avec la société de la Bienveillance
En quoi la reconnaissance contribue-t-elle à la constitution d'une société de la Bienveillance ? Les 15 gestes de reconnaissance au quotidien sont autant de manières diverses de veiller concrètement au bien sur 4 axes de bienveillance indissociables : autrui, communautés et collectifs auxquels on appartient, autres qu'humains (nature) et soi-même.
J'ai classé les 15 gestes dans 4 catégories qui constituent des enjeux de bienveillance (avec 4 verbes) :
Autant de gestes de reconnaissance qui nécessitent une prise de conscience majeure qui fera l'enjeu central d'une société de la Bienveillance : la nécessité et le plaisir de se donner du temps pour apprécier le moment présent et ce qu'il nous apporte, et pour délivrer des gestes de reconnaissance de toutes sortes, en ne laissant de côté aucun de ces types de gestes, chacun ayant une véritable utilité.
J'ai classé les 15 gestes dans 4 catégories qui constituent des enjeux de bienveillance (avec 4 verbes) :
- bien vivre ensemble : avec des gestes qui sont à la base de tout : regard, sourire et bonjour pour amorcer une interaction et signifier à l'autre qu'il·elle existe et qu'il·elle mérite qu'on s'arrête pour lui·elle
- coopérer : ma conviction est que la société de la Bienveillance sera forcément et fortement coopérative ; des collectifs et communautés où l'on sait accueillir, intégrer, faire confiance, porter attention, s'entraider, exprimer l'envie de travailler mutuellement les uns avec les autres.
- valoriser : la culture du feedback est complètement indissociable de celle de la bienveillance ; tous les gestes de valorisation naissent de l'attention et de la curiosité qu'on porte aux actes d'autrui, d'une appréciation, de la gratitude qui vont donner l'impulsion de l'expression d'un "j'aime", d'un "merci", d'un "bravo", d'un avis constructif et l'envie de faire connaître autour de soi les belles choses que l'on a vu et qui nous ont marqué
- unir : nous avons besoin de relation de proximité, de nous sentir en harmonie, en accord et d'exprimer notre amour, notre amitié et de l'accompagner par des actes d'attention et de soin pour celles et ceux que nous aimons.
Autant de gestes de reconnaissance qui nécessitent une prise de conscience majeure qui fera l'enjeu central d'une société de la Bienveillance : la nécessité et le plaisir de se donner du temps pour apprécier le moment présent et ce qu'il nous apporte, et pour délivrer des gestes de reconnaissance de toutes sortes, en ne laissant de côté aucun de ces types de gestes, chacun ayant une véritable utilité.
La culture de la distribution de la reconnaissance et de l'appréciation de la reconnaissance reçue font clairement partie du socle de la société de la Bienveillance à laquelle j'aspire.
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