NOUVEAU : désormais tous les contenus sur l'idée de Société et de Territoires de la Bienveillance sont publiés sur mon blog dédié autourdelabienveillance.fr qui reprend tous les éléments de modélisation présentés sur ce blog et je vous invite donc à vous rendre sur le dit blog pour tout ce qui a trait au sujet de la Bienveillance. Olivier Hoeffel
Cet article fait partie du dossier dédié à une Société et des territoires de la Bienveillance que j'ai modélisée depuis 2019.
Je propose 3x3 + 1 principes pour guider à la co-construction d'une Société et des Territoires de la Bienveillance :
- 3 principes de bon sens ;
- 3 principes éthiques ;
- 3 principes à combattre ; 3 principes sur lesquels s'appuie la société libérale, individualiste, de consommation, de compétition, de défiance, ... et de destruction des écosystèmes et de ce qui devraient être considérés comme nos richesses et nos biens communs.
- 1 principe sans lequel rien n'est possible.
Vous trouverez ces 10 principes synthétisés sous forme d'une image en fin d'article.
3 Principes de bon sens
Interdépendance et coopération pour une pleine santé
Nous pourrions avoir le meilleur système de santé en France, les hôpitaux les mieux équipés, leur personnel le plus justement rémunéré et bien traité, les territoires les mieux maillés en terme de professionnels de santé, ce système ne pourrait pas tout faire à lui tout seul : il faut que chaque individu prenne soin de lui-même et prenne soin des personnes autour de lui. En ressortent donc 3 niveaux de responsabilité :
- la responsabilité individuelle ;
- la responsabilité interpersonnelle, pour les proches et les moins proches, dans la fraternité au sens large (une valeur de la République insuffisamment activée) ;
- les responsabilités collectives.
J'entends ici le mot "santé" dans le sens très pertinemment défini par l'OMS :
"Un état de complet bien-être physique, mental et social,
et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité"
et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité"
A noter que la conception de la bienveillance telle que je la propose procède de la même logique : la bienveillance ne consiste pas seulement en l'absence de malveillance, mais en la conjonction d'actes bienveillants, l'évitement de la malveillance et la dénonciation de la malveillance.
Pour en revenir à la santé, une (bonne ou pleine) santé passe notamment par l'hygiène de vie (alimentation, sommeil, activité physique, évitement de comportements à risques, ...), l'articulation juste de nos sphères de vie, des activités porteuses de sens, des relations interpersonnelles qualitatives et bienveillantes, une attention à la prévention des risques, une autonomie, un sentiment de pouvoir contrôler un minimum de choses, ...
Une articulation de responsabilités à activer face à des situations préoccupantes dans le monde d'aujourd'hui : la suralimentation (on meurt plus dans le monde de suralimentation que de sous-alimentation), les conduites addictives de toutes sortes, les dépressions et les burnouts. Il s'agit aussi des violences commises envers les enfants, les femmes, les violences interraciales, les conflits armés, ... tout ce qui atteint l'intégrité de l'individu. Particulièrement en responsabilité collective, il y a évidemment aussi à faire face à la pauvreté (pauvreté va de pair avec pauvre santé), mais j'y reviens dans les 2 principes suivants.
A noter que l'on retrouve cette même articulation pour la Qualité de Vie au Travail.
La santé humaine, c'est une chose, mais je suis convaincu qu'il faut raisonner plus large. Voici un extrait du livre "Et si la santé guidait le monde ?" d'Eloi Laurent paru récemment :
"C'est ici qu'interviennent l'espérance de vie et la pleine santé qui doivent devenir nos boussoles communes, à même de nous orienter les yeux grands ouverts dans un monde où bien-être humain et vitalité des écosystèmes sont irrémédiablement entrelacés et projetés ensemble à toute allure dans une spirale de plus en plus vicieuse qu'il nous faut à tout prix inverser".
Cet extrait dit plusieurs choses :
- il y a une interdépendance entre l'humain et les écosystèmes,
- actuellement cette interdépendance est niée, n'est pas prise en compte suffisamment et génère une spirale négative,
- au contraire, nous avons besoin de considérer cette interdépendance dans nos prises de décisions pour créer une spirale positive. Une spirale positive qui naît selon moi d'une coopération gagnant-gagnant intégrant toutes les parties prenantes, humains et autres qu'humains. C'est ce que je développe dans ma modélisation, notamment à travers les mots-clés "Dimension" et "Gagnant-gagnant"
Donc entendre la santé de manière plus large, c'est considérer la santé de chacun de nos écosystèmes humains (cellules familiales, collectifs- dont les collectifs de travail, communautés) et avec les autres qu'humains, et les appréhender dans l'interdépendance et l'inter-coopération. Ce qui nous amène à considérer en même temps et de manière indissociable la santé des individus, la santé des collectifs et communautés humaines et la santé de la planète.
Quand il s'agit d'un collectif, il faut investir la santé à la fois de l'entité collective et des individus qui la composent. Une façon de prolonger l'expression "Un esprit sain dans un corps sain" ... par "Un corps sain dans un écosystème sain".
Ce principe appelle donc à une vision écosystémique et holistique de la santé et de la bienveillance.
Eloi Laurent écrit dans son livre "Interdépendance et coopération sont les deux principes vitaux de notre monde".
"Priorité à nos besoins vitaux !"
Connaissez-vous la règle de 3 pour la survie édictée par Ron Hood, professionnel américain de la survie ? Voici la règle d'origine qui depuis a été complétée :
- On ne peut survivre à plus de 3 mn sans oxygène ;
- On ne peut survive à plus de 3 jours sans boire ;
- On ne peut survivre à plus de 3 semaines sans nourriture.
Il s'agit bien entendu de comprendre ces règles plutôt comme un ordre de grandeur. En effet, chaque individu a ses propres capacités à un moment donné, dans un contexte donné (lieu, température, personne isolée ou non, ...)
Je me réfère maintenant à Virginia Henderson dont j'ai eu l'occasion de parler dans l'article Et si tout ce dont j'avais besoin était déjà là ?. Infirmière et chercheuse américaine, elle a développé en 1947 un modèle mettant en évidence 14 besoins fondamentaux :
En ressortent des priorités que tout individu, tout activité humaine, toute politique publique devrait considérer dans sa conscience, ses prises de décisions et ses actes. J'en mets en avant 6 :
- L'air. L'air que nous respirons est essentiel. En notant que dans certaines grandes métropoles sur la planète, la santé est mise en danger du fait de la pollution. J'élargi à l'atmosphère : il nous faut prendre soin d'avoir une atmosphère respirable et qui nous protège. Un enjeu brûlant est celui des gaz à effets de sphères que j'ai particulièrement évoqué dans mon article Le papillon, la serre et le permafrost (ou pergélisol).
- L'eau. L'eau que nous buvons et qui nous sert aussi à notre hygiène. La sécheresse avance d'année en année, et c'est donc un enjeu central, déjà maintenant. Il y a aussi l'enjeu de la pollution des nappes phréatiques, des océans avec tous les résidus en matière plastique, les rejets et déjections des activités domestiques, industrielles, agricoles et de transport maritime.
- La terre. Les sols qui nous permettent de nous nourrir, et aussi sur lesquels nous construisons nos habitations. Ils sont vivants et ils faut les laisser vivants, limiter la bétonisation, limiter la surexploitation des terres agricoles, la pollution par l'utilisation massive d'intrans, ... Nous avons besoin de respirer, les sols aussi.
- Le feu. C'est un échange avec mon ami Christian Bruneteau qui m'a conduit à ajouter ici cette 4ème priorité, inspiré du quatuor air-eau-terre-feu que l'on retrouve dans beaucoup de sociétés depuis la nuit des temps. Les incendies en Amazonie, en Australie, en Sibérie, ... représentent des enjeux importants, notamment quand ils sont volontairement activés pour des raisons économiques. Les incendies ont des conséquences importantes notamment à travers les émissions de CO2 et la disparition simultanée de capacités de puits de carbone (une forme de double peine pour la planète, la biodiversité et les humains).
- Les relations humaines. Dans un monde où de plus en plus de personnes de tout âge se trouvent isolées, soit carrément toutes seules soit parce que le foyer est mono-parental, l'enjeu est de taille. Un sentiment d'isolement existant aussi dans le monde du travail avec la tendance forte depuis quelques années à casser l'esprit collectif et avec le désenchantement vis-à-vis du monde syndical. La pandémie de la Covid-19 amplifie d'autant plus ces phénomènes (les personnes âgées dans les Ehpad, les personnes en télétravail, les personnes qui se trouvent sans activité).
- La paix. Nous avons besoin de faire la paix en nous-mêmes, dans nos foyers, dans les activités économiques, entre les communautés, entre les pays. La non-violence mérite d'être cultivée dans toutes les strates de la société. Il y a un enjeu très important du fait du patriarcat qui cause de la violence aux enfants et aux femmes. J'aurai pu mettre "Sécurité" plutôt que "Paix". Il est important de pouvoir en effet se sentir en sécurité. Mais dans la mesure où ce mot peut renvoyer à une acception sécuritaire, le mot "Paix" me semble beaucoup plus approprié et plus large si on l'entend à travers les différentes dimensions que je viens de citer.
Et force est constatée que malheureusement ces 6 enjeux ne constituent pas des priorités depuis quelques dizaines d'années. Notre société actuelle a tendance à réagir aux événements du moment pour chacun de ces sujets, et séparément. Elle trouve des solutions éphémères ou artificielles. Elle compte sur la technologie pour résoudre des problèmes de malveillance, alors qu'en réalité, il s'agit tout simplement déjà de faire face à nos responsabilités de bienveillance à tous les niveaux de la société. Il nous faut prendre la mal à la racine et revenir au bon sens, à celui qui nous reconnecte à la nature, à notre nature véritable.
Je suis convaincu que l'emballement climatique nous forcera à nous recentrer sur ces priorités. Tout l'enjeu est que ce ne soit pas vécu comme une contrainte et avec le système d'exploitation de ... l'exploitation et de la compétition. Au contraire, il nous faut faire de ces objets de priorité des communs, de la matière à haute coopération et inspiration. Soyons inspirés et enthousiastes et non pas contraints dans un esprit qui nous ferait y aller à reculons et en ordre très dispersé.
"Connais-toi toi-même ... autrui et tes écosystèmes !"
"Connais-toi toi-même" était une maxime gravée sur le fronton du Temple de Delphes. Précédemment, je présentais des principes de bon sens, "Connais-toi toi-même" procède aussi du bon sens.Un principe qui appelle à l'attention à ses propres aspirations, besoins, ce qui fait sens. Il appelle aussi à la lucidité et à de la vérité. Ne pas se raconter des histoires à soi-même et aux autres. Parce que la situation actuelle de la planète est due en partie au fait qu'on refuse de voir la vérité et de voir sa propre responsabilité. J'ai évoqué en décembre 2018 la lucidité et la vérité dans l'article Les enjeux du bonheur en verbes, sous forme de diaporama commenté. Ces verbes sont tout aussi importants pour une Société de la Bienveillance.
Se connaître soi-même est indispensable et en même temps, il est tout aussi nécessaire de nous donner du temps pour nous connaître entre individus et connaître les écosystèmes naturels et humains dans lesquels nous vivons et pour lesquels nous avons un rôle à jouer. Rôle que nous jouerons d'autant plus efficacement que nous aurons appris à bien connaître celles et ceux avec qui nous jouons.
Un principe qui investit nos capacités à la curiosité, à l'attention, la connaissance, l'écoute, l'observation, la patience, ... et avec en bienfaits l'appréciation, l'émerveillement, l'apprentissage, la gratitude, ...
3 Principes éthiques
"Une vie décente pour les uns, (un peu) moins de confort pour les autres !"
Si nous ne connaissiez peut-être pas la règle de 3 de la survie, nul doute que le proverbe "L'argent ne fait pas le bonheur" vous est familier et peut-être même qu'il vous cause de l'urticaire parce que justement, de l'argent vous en manquez et que vous vous dites que c'est un proverbe de riche pour les riches et qui en plus n'en tiennent pas du tout compte.
De nombreuses études ont été menées depuis la dernière guerre mondiale, notamment aux Etats-Unis, et elles montrent qu'en effet un accroissement du niveau de vie n'affecte pas le niveau de bonheur qui reste inchangé. MAIS, il faut compléter ce proverbe par "... mais le manque d'argent fait le malheur". Ces mêmes études ont effet montré qu'en-dessous d'un seuil de revenu, tout accroissement du revenu augmente le niveau de bonheur jusqu'à un niveau de revenu décent où les accroissements n'ont plus d'impact.
Dans la société de consommation actuelle, avec les effets de l'adaptation hédonique, ma conviction est même que l'accroissement des revenus, du confort, du plaisir, des biens matériels, peut être dans certains cas contre-productif et rendre moins heureux.
"Le mieux est l'ennemi du bien !"
Sur le fronton du temple de Delphes était aussi écrit "Rien de trop !". J'aurais pu choisir ces mots, mais je leur ai préféré "Le mieux est l'ennemi du bien" qui m'est cher depuis de longues années et dont il faut remercier Voltaire. Plus récemment, le psychologue américain Barry Schwartz qui s'est intéressé au paradoxe du choix a montré que la société actuelle nous met très souvent dans une situation d'avoir à choisir entre de multiples options, ce qui nous met en tension, voire dans l'impossibilité de choisir. Il fait une contre-proposition au "Monsieur Plus" symbolisant le monde actuel : un "Sam'Suffit". J'ai préféré moi l'appeler "Sam'Vabien" pour faire écho à la sobriété heureuse promue par Pierre Rabhi, le fondateur du mouvement Colibris. Une idée du contentement qui va dans le sens suivant : plus je me contente de peu, et de plus de choses je vais me satisfaire. Ce principe s'oppose à l'idée d'excellence et de perfection.
"Science sans conscience n'est que ruine de l'âme !"
La science serait-elle notre sauveur en tout et pour tout ? Fait-elle le bien en tout et pour tout ? Certainement pas quand on voit la prolifération des armes, des objets connectés qui nous déconnectent les uns des autres, des progrès médicaux pour nous faire artificiellement plus jeunes, des équipements qui abrutissent, des progrès technologiques qui laissent des gens sans emploi pour grapiller un pouillème de bénéfice. Il nous faut donc sortir de l'effet hypnotique des nouvelles technologies.
Pour relier ce principe emprunté à Rabelais avec le principe "Moins de confort pour les uns, une vie décente pour les autres !", il faut considérer tous les impacts de biens et services de confort ou qui nous facilitent la vie à travers la question : pouvons-nous nous le permettre au vu de l'état de la planète ? Et bien des fois la réponse : c'est sûr que ça pourrait être utile, mais le bilan écologique et humain est clairement négatif. Et pire, il arrive que la réponse soit : en fait, ça ne sert pas à grand chose.
Ce qui induit trois grands niveaux de responsabilité : "Faire de la science en conscience", "Faire des choix de société en conscience" et "consommer en conscience".
3 Principes à combattre
La bienveillance, ce n'est pas seulement poser des actes de bienveillance mais c'est aussi éliminer, éviter des actes malveillants et des mauvaises habitudes. C'est aussi les dénoncer et les combattre. Voici 3 principes contre lesquels il faut appeler à la vigilance pour nous aider à repérer nos mauvaises habitudes et les comportements malveillants.
"La fin justifie les moyens !"
Un principe qui fleure mauvais le cynisme. Certains l'habillent de pragmatisme ou d'efficacité ou de rationalisation. Peu importe les moyens, du moment qu'on atteint l'objectif qu'on s'est fixé. C'est un peu comme si on mettait un projecteur sur le "Quoi", alors que pour le "Comment", on le cache sans aucune gêne, soit dans une boite noire, soit sous un nuage de fumée. C'est ce que font beaucoup d'activités économiques invoquant le secret industriel. Au contraire, une société de la Bienveillance repose sur la transparence et la fierté de montrer son savoir-faire et de jouer son rôle de développement durable pleinement.
"Le temps, c'est de l'argent !"
Notre monde souffre d'une omniprésence et d'une pression du temps. Tout est ramené à l'argent et au temps que l'on relie étroitement. Même les personnes à la retraite se retrouvent piégées alors qu'elles n'ont aucune raison de l'être : il faut que leur temps soit utile. Avec cette pression du temps, il y a aussi la pression de l'urgence, de l'impatience. Une focalisation sur le court terme qui abandonne toute considération qui ferait voire plus loin que son nez.
"Tout de suite, encore, et encore plus, sans limite et après moi le déluge !"
Dans son livre "Le bug humain" (cf mon article L'insoupçonnable et l'insoutenable), Sébastien Bohler évoque les 5 tendances destructrices de ce présent principe auxquelles nous pousse une partie de notre cerveau : le striatum.
Il nous faut donc être vigilant à ne pas vite tomber dans ces travers induits par le cerveau reptilien. Conscience, attention, patience, soif de connaissance et valorisation des actes de bienveillance et de coopération sont des leviers pour ne pas être des marionnettes de nos pulsions destructrices, et instrumentalisées par une société capitaliste.
1 principe sans lequel rien n'est possible
"Donnons-nous du temps POUR la bienveillance et PAR la bienveillance !"
J'en termine par ce principe que dès le début de mes travaux j'ai considéré comme premier, indispensable et incontournable. Un principe qui fait office également de slogan puisque toute cette modélisation en est imprégnée en filigrane. Pas un des éléments de modélisation ne fait pas appel à ce principe.
Parce que nous sommes précieux, notre entourage est précieux, notre planète est précieuse, le vivant est précieux, le temps que nous nous devons de leur accorder est précieux. Il est sacré. En en le sacralisant, on relaxe le temps parce que l'on peut abandonner le temps qu'on accorde à des choses qui n'en valent pas la peine.
Je développe cette idée plus en avant dans l'article Donnons-nous du temps PAR la bienveillance - Chronique sur la Bienveillance - Episode 9. Je m'explique en particulier sur l'emploi de la première personne du pluriel qui fait de ce principe moins une injonction personnelle qu'un élan commun.
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