La bienveillance à travers des verbes et des processus

 

NOUVEAU : désormais tous les contenus sur l'idée de Société et de Territoires de la Bienveillance sont publiés sur mon blog dédié autourdelabienveillance.fr qui reprend tous les éléments de modélisation présentés sur ce blog et je vous invite donc à vous rendre sur le dit blog pour tout ce qui a trait au sujet de la Bienveillance. Olivier Hoeffel

Cette page est consacrée à la présentation d'un élément central de modélisation de la Société et de Territoires de la Bienveillance à laquelle je réfléchis et travaille depuis 2019 : La bienveillance à travers des verbes et des processus.

J'ai créé ce blog lesverbesdubonheur.fr avec dans l'idée de proposer des verbes attachés à des pratiques qui favorisent le bonheur (le bien-être, la santé psychique, la qualité de vue selon le ou les termes qui vous parleront le plus et ne vous créeront pas de réaction urticante). Il est vrai que les mois puis les années passant, je me suis autorisé à dévier un peu du principe de structurer chacun de mes articles autour d'un ou plusieurs verbes. Comme il me semble particulièrement pertinent d'évoquer la bienveillance autour de pratiques du quotidien, je consacre donc cette page à des verbes et à des processus qui enchaînent un certain nombre de verbes autour de la bienveillance.

Pour qui voudrait accéder à un pense-bête résumant en partie ce qui est développé ci-dessous, voici un lien vers un document pdf  double A4 qui peut être imprimé en recto-verso. A noter que ce document comporte des liens pour qui le consulte avec un lecteur pdf (cliquer sur l'image ci-dessous pour le télécharger).

Voici le même contenu en un ensemble d'images interactives.

J'entre dans les détails ci-dessous.

La bienveillance en pratique à travers des verbes du quotidien

Je commence par quelques verbes autour d'un processus bien connu des spécialistes de techniques comportementales et cognitives. Il démarre par l'observation d'une situation et enchaîne dans l'ordre les pensées, les émotions puis comportements induits successivement.

Des verbes s'influencent les uns les autres tout au long du processus décrit ci-dessous. Démarrer ce processus dans la bienveillance aidera d'autant plus facilement à le dérouler ensuite dans la bienveillance, formant ainsi un cercle vertueux. 

Inversement, le démarrer en prêtant une attention privilégiée voire focalisée sur ce qui ne va pas ou nous déplaît a forte probabilité de conduire à de la malveillance, dans un cercle vicieux.

A noter donc que chacun de ces deux cercles se renforce : ainsi, plus on pratique la bienveillance, plus on porte un regard attentif, positif et altruiste sur autrui, sur le monde et sur soi ; ce qui nous fait adopter des comportements bienveillants.

Inversement, plus on pratique la malveillance, plus on porte un regard négatif sur le monde, plus on se méfie, plus on se replie sur soi, plus on a tendance à adopter des pratiques égoïstes, cyniques selon le principe bien connu "La fin justifie les moyens" (avec une déclinaison plus autocentrée "Mes fins justifient les moyens", éventuellement avec une composante "Après moi le déluge").

Le cercle vertueux de la bienveillance conduit à la joie de vivre. Le cercle vicieux de la malveillance conduit inévitablement à une vision utilitariste, noire et critique du monde.

Immédiatement après avoir présenté ce schéma, je m'empresse de dire que j'ai ici considéré deux extrêmes, sachant que ma modélisation de la bienveillance a aussi pour objet de sortir d'une vision binaire de la malveillance. Et je renvoie à la page de modélisation sur l'échelle de la bienveillance avec trois segments : bienveillance, absence de bienveillance et malveillance.

Je préconise de baigner les verbes suivants dans la bienveillance de bout en bout, en prenant conscience de l'enseignement du schéma précédent : notre façon d'observer est capitale et peut conditionner fortement successivement nos façons de penser, de ressentir, de décider, de dire et d'agir.

Nos actions bienveillantes peuvent susciter des feedbacks des personnes bénéficiaires, partenaires ou observatrices. Feedbacks qui pourront dépendre du niveau de bienveillance de ces personnes, de leur niveau de lecture bienveillante de nos actions et du caractère contagieux de la bienveillance dans nos actions.

Je donne quelques précisions sur chacun de ces verbes et je commence pour chacun par dire quelques mots sur ce que l'on cherche à éviter :

1. Observer : Il s'agit d'une part de ne pas focaliser son attention sur systématiquement des choses négatives et d'autre part de ne pas être aveugle ou sourd (notamment par le déni) à ce qui nous appelle ou appelle à notre responsabilité. Observer vise plusieurs choses  : 
• apprécier tout ce que l'on a déjà, tout ce qui nous est précieux ;
• être attentif à ce qui nécessiterait une action altruiste de notre part ;
• pratiquer une curiosité exploratrice (Vs curiosité malsaine) pour découvrir les merveilles de la vie et ce qui est différent de nous. Et puis pour apprendre, nous enrichir intellectuellement, émotionnellement.
• jouer notre responsabilité d'humain vis-à-vis de nos écosystèmes d'appartenance (famille, travail, quartier, communautés, planète, ...)
• jouer pleinement nos interactions avec autrui (humain et autres qu'humains) en utilisant nos différents sens (gare à la perte de certains sens quand on utilise l'écrit ou que l'on téléphone)
• prendre conscience que toute observation résulte d'un point d'observation donné et donc non représentatif de la totalité observable et objective d'une même situation, d'un même lieu, d'un même objet. Et par ailleurs, s'ajoutent la part de subjectivité et la possible forte évolutivité d'un instant d'observation à un autre, du fait d'un phénomène cyclique (heures dans une journée, jour dans l'année) et/ou d'une dynamique de transition (une situation qui évolue)

1. Penser : Il s'agit d'éviter ce qui crée beaucoup de tensions dans toutes les sphères de vie et dans  notre société : les jugements lapidaires, et en particulier par rapport à celles et ceux qui font, qui décident, et aussi par rapport à ce qui nous énerve. Nous avons besoin d'être indulgent vis-à-vis d'autrui et de nous-même, tout en ne tombant pas dans la complaisance. Un exercice assurément difficile si on a baigné dans une culture de l'esprit critique versant négatif facile. Il y a un énorme enjeu de bienveillance à ne pas tomber dans les pièges des biais cognitifs qui sont extrêmement nombreux (cf la page wikipedia sur le sujet qui en référence des dizaines). La pensée bienveillante s'efforce d'être appréciative, constructive, sereine, apte au discernement, à faire la part des choses avec les émotions et les ressentis.
2. Ressentir : Il faut éviter la confusion entre pensées et émotions, les émotions négatives niées, tues, mal à propos ou qui en réalité en masquent d'autres (par exemple la colère qui masque la peur). Il faut éviter aussi un poison en intraveineuse : le ressentiment qui crée une boucle continue de rumination entre pensées et émotions négatives. La bienveillance nous invite à vivre pleinement nos émotions, ressentir avec tous nos sens, retrouver nos liens essentiels avec les autres constituants de la nature, à nous reconnecter à l'invisible et au sensible.
3. Décider : Il nous faut éviter d'une part les décisions sous le diktat du court terme, de l'urgence, de l'arbitraire et des intérêts particuliers, et d'autre part les non-décisions qui enlisent des situations qui peuvent ensuite devenir explosives. L'approche gagnant-gagnant me semble la plus porteuse de bienveillance, associée avec l'idée de coopération ouverte. L'approche gagnant-gagnant repose sur l'idée de "partie prenante". Chaque partie prenante (individu ou collectif) doit à la fois s'interroger sur elle-même par rapport à ses vrais besoins, ses aspirations et comprendre ce qui anime les autres parties prenantes et leurs besoins. Ma modélisation de l'Attention Réciproque pour la sphère professionnelle peut-être aidante pour appuyer les décisions sur une attention réciproque entre les parties prenantes. Un des enjeux centraux est de ne pas compartimenter entre celles et ceux qui décident, et celles et ceux qui font. En filigrane, on découvre un autre enjeu d'importance : prendre des décisions réalistes qui reposent sur la réalité du terrain et sur la disponibilités des moyens. Un autre enjeu est de ne pas donner un sens univoque et bienveillant par essence à la démocratie. Beaucoup d'entre nous peuvent constater que notre démocratie en France est faillible en matière de bienveillance et que dans le secteur de l'Economie Sociale et Solidaire (ESS) qui brandit fièrement la pancarte "démocratie", il y a beaucoup à dire sur la capacité des organisations de l'ESS à prendre soin des personnes qui portent les beaux projets sociaux, culturels, écologiques, ... (cf ma chronique Soyons pressés de bien donner ! - Chronique sur la Bienveillance - Episode 26). Ce n'est pas parce qu'un conseil d'administration est élu démocratiquement que la bienveillance s'impose d'elle-même dans le fonctionnement du collectif. J'affirme qu'en réalité, la corrélation entre les deux est souvent très faible. C'est un vrai enjeu que de construire des modes démocratiques bienveillants et aussi de promouvoir des modes des prises de décisions bienveillantes qui ne sont pas forcément démocratiques au sens où chacun l'entend
4. S'exprimer : Il s'agit d'une part d'éviter les agressions verbales, écrites, gestuelles et d'autre part de ne pas s'enfermer dans le silence. Dans les situations de conflit, il faut dans un premier temps créer des espaces adéquats pour libérer la parole. La communication non violente (CNV), l'assertivité (que j'appelle de mon côté affirmation de soi bienveillante) sont par exemple des outils pour faciliter une expression sous le sceau de la bienveillance. Il faut aussi si ce n'est s'entendre (s'accorder) sur les mots, au moins détecter les différents sens que chacun y met et éventuellement en quoi ils ont traversé les histoires individuelles et collectives. Il y a aussi un enjeu considérable à prendre conscience que les mots peuvent peser lourd non seulement en terme d'effet sur autrui mais aussi sur soi-même. Par exemple le fait de choisir un terme plus neutre que "C'est insupportable !" permet de se mettre moins en tension soi-même.
   L'oral, ce ne sont pas que des mots : c'est aussi le ton et la gestuelle qui vont avec et qui contribuent à part entière au niveau de bienveillance de l'interaction. Par exemple un "Ah, oui ?" avec un hochement de tête n'a rien à voir que le même "Ah, oui ?" avec une moue dubitative. On s'exprime aussi par écrit et un grand enjeu est de savoir limiter l'usage du numérique (emails, réseaux sociaux) quand on se sent en tension, en conflit, en incompréhension, ... La bienveillance passe le maximum de sens, et donc il n'y a pas mieux que le 4 yeux où on se donne la chance de s'écouter, de se voir et de se comprendre vraiment. A noter que selon les cas, le verbe "Dire" peut venir en amont du verbe "Décider", notamment quand la prise de décision est collective et qu'elle nécessite un échange, une délibération, ...
5. Agir : Il s'agit d'une part d'éviter la maltraitance intentionnelle et non intentionnelle (la non intentionnelle par absence de bienveillance dans les verbes précédents) et d'autres part ne pas être dans le non agir, non seulement quand la situations exigerait d'agir (par exemple dans les situations de non assistance à personne en danger) mais aussi quand on pourrait agir sans obligation mais qu'on ne le fait pas par négligence, facilité, ... Agir avec bienveillance nous permet de vivre en résonance, en alignement entre le "pourquoi", le "quoi" et le "comment" de nos actes. Vouloir le bien de l'autre ne suffit pas : il faut aussi le faire avec bienveillance. A l'inverse de ce que beaucoup de personnes entendent par le proverbe "Qui aime bien, châtie bien". Agir avec bienveillance est indissociable d'une attention portée à la façon dont l'autre reçoit l'acte quand il en est le bénéficiaire, ou dont l'autre perçoit l'acte s'il est partenaire d'une action commune.

Autant de verbes qui, si on veut les jouer pleinement dans la bienveillance, nécessitent de se donner du temps en faisant preuve de patience, de tempérance, de lucidité et d'humilité. 

IL nous faut nous donner du temps également, individuellement et collectivement, pour une attention dirigée constituant une alternative à l'attention confisquée, volée par la société de consommation et par la société du numérique. En effet, on peut toutes et tous constater une inquiétante tendance à ce que notre attention soit source de convoitise par le marketing (publicités sur toutes formes de support) et par de grandes multinationales du numérique qui nous scotchent devant nos ordinateurs, tablettes et téléphones mobiles à l'aide d'applications censées nous connecter. En réalité, il s'agit surtout de nous enchaîner à des habitudes addictives. Un enchaînement à visée de consommation qui nous pompe un temps de disponibilité tel que notre société toute entière gémit d'un "Je n'ai pas le temps" de concert avec un niveau de concentration et de patience (et donc d'attention) moyen qui chute dangereusement. Se pose donc clairement un enjeu d'écologie de l'attention et de régulation de notre cerveau : précisément la régulation de notre striatum par notre cortex préfrontal (cf mon article L'insoupçonnable et l'insoutenable).

Apprécier, gratifier : relier la bienveillance avec la gratitude

Voici un schéma qui est antérieur à mes travaux sur la bienveillance mais qui s'intègre aisément dans ces travaux : il concerne l'enjeu capital de la gratitude qui découle aussi d'un processus enchaînant plusieurs verbes (observer, apprécier, attribuer, ressentir, ...). Un processus où le facteur "temps" est essentiel à chaque étape.

Ce schéma est décrit plus précisément dans un article dédié.

Il met en jeu notamment deux verbes centraux :

• Apprécier : donner de la valeur à ce que l'on vit à chaque instant, à tout ce que nous recevons et dont nous profitons sans nous en apercevoir, notamment du fait d'un principe premier : l'interdépendance, du lever au coucher
• Gratifier : la gratitude est déjà un cadeau que l'on se fait à soi-même puisque c'est une émotion positive. Bien loin du "Dis merci à la dame !" faisant que de nombreuses générations ont appréhendé (peut-être jusqu'à la lecture de cet article ?) la gratitude comme une obligation ou un rappel à l'ordre ou une politesse.

D'autres verbes pour vivre pleinement

Je veux promouvoir ici brièvement et de manière non exhaustive quelques verbes qui me tiennent à cœur et qui sont, il me semble, au cœur des grands enjeux complexes auxquels l'humanité fait face. Enjeux qui se compliquent de plus en plus puisque les réactions individuelles et collectives face à ces enjeux ne sont pas du tout à la hauteur. Je pense notamment aux enjeux climatiques. Voici donc ces quelques verbes :

• Explorer : développer nos capacités à la curiosité exploratrice qui nous permet de découvrir, de nous relier, de créer de la proximité, de comprendre, d'apprécier, de nous émerveiller, ...
• Expérimenter : en redonnant ses lettres de noblesse au droit à l'erreur, au tâtonnement, à l'apprentissage, et concernant le domaine scientifique : une expérimentation dans l'éthique ("Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", Rabelais)
• Se donner du temps : comme un cadeau que l'on se fait à soi, et mutuellement ; et surtout pas dans une logique négative ou sacrificielle (je prends du temps voire pire : "j'accepte de perdre du temps"). En prenant conscience que la bienveillance, l'attention, la reconnaissance, l'équilibre, la prévention, la perspective long terme ... rien n'est possible si on ne se donne pas du temps, individuellement et collectivement
• Prendre du recul : comme contre-poids indispensable au "faire"
• Se relier : avec soi-même et ses aspirations profondes (intériorité), avec ses émotions, avec son corps, avec autrui, avec ce qui est plus grand que nous, avec le vivant, avec nos écosystèmes d'appartenance. Contribuer à la création de résonance.
• Être : vivre l'instant présent en lâchant prise régulièrement avec le passé et l'avenir

Être bienveillant

J'ai terminé la liste précédente par le verbe "être" pour faire liaison avec le point crucial que je vais maintenant évoqué : l'utilisation du mot "bienveillant" en tant que qualificatif, étiquette concernant la globalité d'un individu : tu es bienveillant (ou malveillant). 

Remarquons déjà la possible ambiguïté de l'expression "être bienveillant/malveillant" car tantôt on l'utilise implicitement en référence à une interaction (parole, écrit, acte) qui vient d'avoir lieu, tantôt il s'agit d'un constat, d'un jugement, d'un compliment ... que l'on porte globalement sur l'individu. Autrement dit, l'utilisation du verbe "être" est conditionnelle dans le premier cas, ou inconditionnelle dans le deuxième cas.

Je m'intéresse ici à l'usage inconditionnel. D'abord, si la pose de l'étiquette "bienveillant" sur quelqu'un ne me pose pas un grand problème, en revanche c'est la pose de l'étiquette "malveillant" et voisins "malfaisant", "maltraitant", ... qui mérite d'être utilisée avec beaucoup de prudence. En premier lieu, parce que la bienveillance n'est pas binaire et donc et il est super facile de tomber dans le piège de coller inconsidérément l'étiquette "malveillant". Pourquoi ? Parce que beaucoup d'entre nous ne font pas la distinction entre la malveillance et l'absence de bienveillance. 

Je reprends un exemple que j'ai utilisé à la fin de mon article Un "Salut, ça va" qui parle beaucoup pour introduire une échelle de la bienveillance : vous êtes à votre bureau le matin et votre chef passe devant vous sans vous dire bonjour. Pour certaines personnes (du fait leur caractère et/ou d'un historique avec leur chef) peuvent immédiatement penser que leur chef a fait exprès de ne pas leur dire bonjour (considéré comme malveillance conditionnelle de sa part, voire comme malveillance inconditionnelle) alors qu'en réalité, pris dans ses pensées d'une urgence à traiter, il a filé droit vers son bureau (absence de bienveillance). Je constate bien souvent cette confusion qui crée inévitablement des tensions, des ruminations bien inutiles.

Qualifier quelqu'un de "malveillant" est donc piégeux par la confusion entre conditionnel et inconditionnel, et par la confusion entre malveillance et absence de bienveillance. Il y a aussi le risque d'une attention portée plus fortement au négatif lié à notre cerveau reptilien qui guette en permanence tout ce qui peut nous menacer. Et donc, si on ne cultive pas (suffisamment) la bienveillance, l'indulgence, l'appréciation alors notre attention automatique plus fortement en vigilance de ce qui ne (nous) va pas, nous pousse à mettre beaucoup trop facilement l'étiquette "malveillant".

Et il y a deux autres phénomènes qui se surajoutent : 

• notre tendance à nous comparer à autrui : dès lors que quelqu'un ne fait pas comme nous, ne s'exprime pas comme nous, voire ne pense pas comme nous, voire encore pire n'est pas comme nous (notamment la race, la religion) il n'est pas "Ok". Je suis "Ok" et si tu n'es pas comme moi ou que tu ne penses pas comme moi ou que tu ne te comportes pas comme moi, tu n'es pas "Ok"
• et le réflexe de vouloir systématiquement nous positionner par rapport à ce qui se passe (ce que l'on voit, ce que l'on entend) ; nous cherchons systématiquement à donner un sens, à interpréter, à avoir/donner un avis alors que bien souvent on n'a pas besoin de le faire et surtout que c'est très imprudent de la faire avec le peu d'informations que nous avons. Pourquoi ne pas rester sur de l'observation : je vois ceci ... Point.

Or, en faisant référence à la liste des verbes organisés au sein du processus (observer, penser, ressentir, décider, dire, agir), on peut prendre conscience que la bienveillance traverse beaucoup de dimensions et qu'il est plus pertinent de considérer la bienveillance comme un cheminement plutôt que comme un état. Il reste bien entendu quelques exceptions, des exemples d'humanité à l'échelle planétaire ou dans notre entourage ou voisinage, du présent ou du passé, où il nous semble incontestable de pouvoir leur coller une étiquette "bienveillant". Inversement, d'autres nous représentent d'évidence le mal incarné. Mais pour la plupart des autres personnes que nous côtoyons, et pour nous-mêmes (sauf exceptions évoquées précédemment), nous nous retrouvons quelques fois dans la zone de bienveillance, d'autres fois dans la zone de malveillance et d'autres fois encore dans la zone d'absence de bienveillance. Et nous pouvons toutes et tous cheminer vers plus de bienveillance, avec humilité et détermination.

Etre bienveillant peut renvoyer néanmoins à l'idée une attitude générale qui peut être reconnue relativement unanimement tout autour. Et non seulement reconnue, mais l'attitude bienveillante peut être inspirante et prendre part à une dynamique de contagion positive dans laquelle on prend conscience qu'on a tout à gagner à être bienveillant sur les différents domaines de sa vie.

Etre bienveillant pose une autre question que je traite dans la page dédiée La bienveillance en absolu et en relatif  (page prochainement publiée) : la bienveillance est-elle absolue : existe-t-il une vision partagée universellement de ce qui est bienveillant (et de ce qui ne l'est pas) ? Chacun voit-il à sa fenêtre ?

Bienveillance émise n'est pas forcément bienveillance reçue

Observer avec bienveillance, penser avec bienveillance, s'exprimer avec bienveillance et agir avec bienveillance ne sont pas forcément reçus ou considérés à leur juste valeur et intention par celles et ceux qui nous entourent, qu'ils soient bénéficiaires, partenaires ou simples observateurs de nos interactions.

Il ne faut pas sous-estimer ce que j'appelle souvent les risques de "friture sur la ligne", et notamment quand on pense agir avec bienveillance et que ce n'est pas perçu comme tel.

Le tableau ci-dessous donne 9 cas de figure, en m'appuyant sur 3 couleurs de bienveillance : bienveillant/vert, neutre/jaune et malveillance/rouge.

En lien avec ces risques de distorsion, il faut aussi considérer ce piège cognitif : nous jugeons les autres sur leurs actes, indépendamment de leurs intentions ; par contre, nous voulons être compris à l'aune de nos intentions plutôt que celui de nos actes. Autrement dit, nous sommes facilement critiques (négativement) sur les actes d'autrui, refusant de leur trouver des circonstances atténuantes, mais réclamons de l'indulgence pour nos propres actes qui n'iraient pas dans le bon sens.